Ottawa, Ontario
C.P. [case postale] 9
Edmonton, Alta. [Alberta]
31 juillet 1944
Ministre de la Justice
Édifice de la Justice, Ottawa
Monsieur,
Au mois de mai de cette année, j'ai été avisé que ma propriété de Haney, en C.-B., avait été vendue pour la somme de 1 406,98 $ au directeur de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Ma propriété consistait en une terre de dix-sept acres et demie et d’autres objets ménagers dont je joins une liste que j'estimais à la somme totale de 4 500 $. Le séquestre n'a à aucun moment demandé mon consentement pour vendre mes biens et, s'il l'avait fait, j'aurais été très réticent à les vendre, car cela a été mon gagne-pain au cours des sept dernières années et grâce à mon travail acharné j’ai fait un revenu d'environ 3500 $ par année, que j'ai utilisé pour envoyer deux de mes enfants à l'université pour qu’ils deviennent médecin et dentiste respectivement. Pour que mes deux autres enfants, qui dépendent de moi, reçoivent le même privilège que leurs deux sœurs aînées, je désirais retourner chez moi à Haney et pour tenter, comme par le passé, d'être suffisamment indépendant pour leur permettre de terminer leurs études, un en tant qu'optométriste et mon seul fils en tant qu'ingénieur électricien.
Je suis arrivé au Canada en 1907 et on m'a accordé le privilège de la citoyenneté canadienne le 22 décembre 1914. Pour moi, c'était l'occasion la plus gracieuse offerte par mon pays d'adoption. Grâce à cela, j'ai réalisé une ambition que j'avais souhaitée depuis mon arrivée sur ce continent, celle de pouvoir élever une famille de fils et de filles canadiens. Les occasions qui m'ont été offertes par le Canada, monsieur, n'ont jamais été abusées par moi ou par un membre de ma famille.
J'ai maintenant cinquante-huit ans et je sens que je ne peux plus recommencer à zéro. Ma santé est défaillante et, comme je l'ai déjà signalé, mon désir après les hostilités est de retourner chez moi à Haney et de continuer là où je me suis arrêté lors de l'évacuation en octobre 1942.
Comme vous le verrez, monsieur, la vente de ma propriété pour la somme indiquée m'a causé une perte de plus de 3000 $ en argent et aussi la perte d'une maison que j'avais passé des années à construire pour offrir une sécurité à ma femme et mes enfants. Ma femme et moi sommes des sujets canadiens depuis trente ans. Il ne me semble pas juste que, comme Canadiens, les membres de ma famille devraient être privés d'une demeure qui, pour nous, est bien plus qu'une simple maison. C'était pour nous, le fondement de la sécurité et de la liberté en tant que citoyens canadiens.
Je joins ici des copies des lettres reçues et envoyées par ceux impliqués dans cette transaction et, monsieur, je demande votre tolérance, votre considération et votre aide pour obtenir la restitution de mes biens. Je ne sens aucune mauvaise volonté envers mon pays d’adoption dans ce qui me semble une injustice. Je me rends compte que nous sommes les victimes d'une situation d'urgence de guerre et, en tant que tels, nous sommes tout à fait disposés à subir les épreuves de la rupture des liens familiaux pour aider à sauvegarder notre patrie. Cependant, je désire ardemment retourner chez moi à Haney lorsque l'urgence actuelle prendra fin. Puis-je plaider votre aide dans la demande sincère pour le retour de cette maison?
L'intégrité et la loyauté de ma famille et de moi-même sont connues de la Gendarmerie royale du Canada à Edmonton. Si vous en voulez une preuve, je suis certain que vous pourrez obtenir un rapport sur ma famille.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.
(Signé) R. Yoneyama
Pièce jointe